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Pourquoi les Français sont-ils républicains ?

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Pourquoi les Français sont-ils républicains ? Les royalistes qui lisent cette question vont objecter : tous les Français ne sont pas républicains, il y a aussi des royalistes et des bonapartistes. Certes, mais les monarchistes sont une poignée au regard de l'ensemble de la population française. Ce qui veut dire que l'immense majorité de nos concitoyens est composée de républicains.

Ceci peut paraître étonnant quand on sait que, jusqu'au début de la troisième république, les monarchistes étaient majoritaires à l'Assemblée Nationale. Même en 1789, il est certain que les sujets de Louis XVI étaient massivement royalistes ; la révolution a en effet été menée par une minorité. Le retour de la royauté en 1814 a été vécu comme une délivrance. Sous la Restauration, les Français ont connu une période prospère et ont goûté à plus de liberté que sous la première république. Sans les ordonnances malheureuses du dernier gouvernement de Charles X, le régime royal aurait pu perdurer.

Alors comment expliquer qu'aux XXème et XXIème siècles les Français aient tourné le dos à la monarchie ? Oh, ce n'est pas de leur plein gré, on les a aidés à accepter la république. Je vois trois axes principaux pour expliquer cette situation : les actions anti-catholiques menées par la république et le lavage de cerveaux opéré par l'Education Nationale et les médias.

1. La déchristianisation de la France

1 . La déchristianisation de la France

La royauté française était catholique : le roi était sacré et la population était attachée à la religion catholique. On peut dire que l'Eglise était la colonne vertébrale de la royauté. Sans cet aspect religieux (le droit divin), le roi n'aurait pas eu la même légitimité. Les révolutionnaires de 1789, puis les républicains et, parmi eux, les francs-maçons, avaient donc intérêt à abattre la religion catholique pour pouvoir imposer la république laïque (la laïcité devant se substituer à la religion catholique).

"Le but est certes, depuis le début de la Révolution, de détruire le catholicisme mais aussi de combler le vide religieux provoqué par cette destruction, lui trouver une religion de substitution. C'est le fond de l'histoire de l'Humanité et, parce qu'il n'y a pas d'exception, c'est également le fond de l'histoire de la République française : tout l'enjeu historique et politique est en réalité religieux, c'est une guerre religieuse permanente qui a débuté en 1789. Et cette guerre n'est pas terminée." (Youssef Hindi, La Mystique de la Laïcité)

La Révolution tente d'éradiquer le christianisme

Dès 1790, par le décret instituant la Constitution civile du clergé, les révolutionnaires ont tenté de contrôler l'Eglise de France. Cette constitution fut condamnée par le pape et nombreux furent les prêtres et évêques à refuser de se plier à cette mise sous tutelle par les autorités civiles. Les prêtres réfractaires (ceux qui n'ont pas voulu se plier à la constitution civile) durent exercer leur sacerdoce dans la clandestinité. Beaucoup furent arrêtés, exécutés, massacrés.

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Jacques-René Hébert

(1757 † 1794)

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Maximilien de Robespierre

(1758 † 1794)

Sous la Première République certains révolutionnaires, athées, proches de Jacques-René Hébert, voulurent remplacer le culte catholique par un "culte de la Raison" : on ne vénère plus un dieu mais une idée abstraite. La Convention ne voulut pas l'imposer mais laissa la liberté aux communes de l'adopter ou non. Ainsi, plusieurs églises furent transformées en Temples de la Raison. Ainsi, la cathédrale Notre-Dame de Paris devint "Notre-Dame-de-la-Raison". Ce "culte" ne dura que de l'automne 1793 à la chute des hébertistes (printemps 1794). Lors de cette courte période, les révolutionnaires les plus extrémistes ont mené une politique de déchristianisation dans différentes régions, dont Paris : églises fermées, prêtres forcés de se marier, massacres de religieux et religieuses, fonte du mobilier liturgique, etc...

Robespierre et d'autres révolutionnaires considéraient que cette déchristianisation desservait la Révolution et qu'elle risquait au contraire de renforcer l'opposition à la République. Le culte de la Raison fut supplanté par le Culte de l'Etre Suprême, porté par Robespierre qui n'était pas athée mais déiste. L'Etre Suprême s'inspire des idées des philosophes des Lumières et par la notion de "Grand Architecte de l'Univers" de la Franc-maçonnerie. Son nom est mentionné dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 :  

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"En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être Suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen." La chute de Robespierre et de ses partisans (coup d'état du 9 thermidor an II, soit le 27 juillet 1794) amorce le déclin du culte de l'Etre Suprême.

Le décret sur la liberté des cultes du 21 février 1795 autorise les cultes mais en interdit toute manifestation publique et les place sous étroite surveillance :

"Les cérémonies de tout culte sont interdites hors de l’enceinte choisie pour leur exercice." (art. IV)

"La loi ne reconnaît aucun ministre de culte : nul ne peut paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses" (art. V)

"Tout rassemblement de citoyens pour l’exercice d’un culte quelconque, est soumis à la surveillance des autorités constituées. Cette surveillance se renferme dans des mesures de police et de sûreté publique." (art. VI).

Après le déclin du culte de l'Etre Suprême, le culte catholique revint peu à peu. La Constitution civile du clergé fut abolie sous le Consulat et remplacée par le concordat (accord avec le pape) de 1801, mis en application par la loi du 8 avril 1802.

Politique anticléricale sous la Troisième République

A partir du concordat de 1801, l'Eglise traversa sans encombre les régimes qui se succédèrent en France au XIXème siècle, jusqu'à la IIIème République. Au début, les républicains n'étaient pas majoritaires au parlement, mais la tendance s'inversa (à partir de 1879) et on vit resurgir l'anticléricalisme chez certains députés et ministres. 

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Léon XIII

Pape de 1878 à 1903

Des mesures furent prises pour amoindrir l'influence de l'Eglise dans la vie civile, comme la laïcisation des hôpitaux. Les catholiques pratiquants étaient bien souvent royalistes et donc opposés au régime qui était de plus en plus républicain. Le pape Léon XIII constata le recul de la pratique religieuse en France et estima que l'opposition entre catholiques et républicains risquait d'aggraver la position de l'Eglise de France. C'est pourquoi, dans son encyclique Au milieu des sollicitudes (16 février 1892), le pape appela les catholiques à accepter le régime républicain, à condition toutefois que celui-ci respectât la religion. C'est ce qu'on a appelé le Ralliement : ainsi des catholiques jusque là royalistes adhérèrent à la République. En même temps, on observa une politique plus conciliante envers l'Eglise, de la part de républicains modérés (gouvernements Jean Casimir-Perrier, Charles Dupuy, Alexandre Ribot,...).

Tout fut remis en cause au moment de l'affaire Dreyfus, de nombreux catholiques de droite étant anti-dreyfusards. Il s'ensuivit un renouveau de l'anticléricalisme.

En 1899, Pierre Waldeck-Rousseau fut appelé par le président Emile Loubet pour former un gouvernement de Défense républicaine. C'est sous ce gouvernement que fut promulguée la loi sur les associations (1er juillet 1901), toujours en vigueur. Le titre III de cette loi concerne les congrégations religieuses et stipule qu'elles doivent obtenir l'autorisation des autorités pour exister et qu'elles peuvent être dissoutes par simple décret (article 13). La plupart des congrégations ont demandé l'autorisation mais les autres ont été dissoutes dès octobre 1901. En 1902, un nouveau gouvernement est formé par Emile Combes. Cet ancien séminariste (d'où son surnom de "Père Combes"), devenu déiste et franc-maçon, mena une politique encore plus anticléricale que le gouvernement précédent. Environ 3000 établissements scolaires catholiques furent fermés en 1902, les demandes d'autorisation de congrégations religieuses furent refusées massivement dès 1903, l'enseignement fut interdit aux congrégations (loi du 7 juillet 1904), les religieux et religieuses des congrégations dissoutes (celles qui n'ont pas reçu l'autorisation) furent expulsés de France (certains par la force armée) et trouvèrent refuge dans les pays voisins. Les tensions entre le gouvernement français et le Saint-Siège se multiplièrent, surtout après la mort de Léon XIII auquel Pie X a succédé, et aboutirent à la rupture des relations diplomatiques (1904). Cette rupture annonçait la fin du concordat de 1801 et la loi des séparation des Eglises et de l'Etat (1905) sous le gouvernement suivant.

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Caricature représentant Emile Combes, Président du Conseil (1902-1905), œuvrant pour le Malin.

La séparation de l'Eglise et de l'Etat

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Allégorie anticléricale sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. On y voit Emile Combes qui s'apprête à trancher le nœud qui lie la République et l'Eglise (représentée par le pape), sous l'impulsion d'un Voltaire déifié.

La première séparation de l'Eglise et de l'Etat date de la Première République. Le décret du 18 septembre 1794 supprimait le budget alloué à l'église constitutionnelle. Le décret sur la liberté des cultes du 21 février 1795 stipulait que l'Etat ne subventionne aucun culte :

"La République n’en salarie aucun [culte]." (art. II)

"Elle ne fournit aucun local, ni pour l’exercice du culte, ni pour le logement des ministres." (art. III)

"Les communes ou sections de commune, en nom collectif, ne pourront acquérir ni louer de local pour l’exercice des cultes." (art. VIII)

"Il ne peut être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour en acquitter les dépenses." (art. IX)

Le concordat de 1801 mit fin à cette séparation.

Sous la Troisième République, comme on l'a évoqué précédemment, après la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège (1904), le gouvernement prépara une loi pour mettre fin au concordat de 1801. Le projet de loi fut préparé par une commission présidée par Ferdinand Buisson (protestant et franc-maçon) et eut pour rapporteur Aristide Briand. C'est sous le gouvernement de Maurice Rouvier que fut promulguée la Loi de séparation des Eglises (elle concerne les cultes catholique, protestants et israélite) et de l'Etat (9 décembre 1905, entrée en vigueur le 1er janvier 1906). Cette loi, toujours en vigueur quoique certains de ses articles aient été modifiés, dispose, entre autres, que les ministres du culte (prêtres, évêques, pasteurs, rabbins) ne sont plus rémunérés par l'Etat et que les biens qui étaient propriétés de l'Eglise seront gérés par des associations cultuelles régies par la loi sur les associations de 1901. Ainsi, les biens de l'Eglise furent soumis à inventaire pour distinguer ce qui doit revenir à l'Etat et ce qui doit être confié aux associations cultuelles.

"La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3." (art.2)

"Les établissements dont la suppression est ordonnée par l'article 2 continueront provisoirement de fonctionner, conformément aux dispositions qui les régissent actuellement, jusqu'à l'attribution de leurs biens aux associations prévues par le titre IV et au plus tard jusqu'à l'expiration du délai ci-après. Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l'administration des domaines à l'inventaire descriptif et estimatif:

   1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ; 

  2° Des biens de l'État, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.

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Ferdinand Buisson  (1841 † 1932), président de la commission parlementaire chargée de mettre en œuvre la Loi de séparation des Eglises et de l'Etat.

Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative. Les agents chargés de l'inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations." (art. 3)

"Les édifices qui ont été mis à la disposition de la nation et qui, en vertu de la loi du 18 germinal an X [8 avril 1802], servent à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (cathédrales, églises, chapelles, synagogues, archevêchés, évêchés, presbytères, séminaires), ainsi que leur descendance immobilière et les objets mobiliers qui les garnissaient au moment où lesdits édifices ont été remis aux cultes, sont et demeurent propriétés de l'État, des départements, des communes." (art. 12)

Le pape Pie X condamna cette loi et la rupture du concordat. Les catholiques français refusèrent souvent cette loi, ne formèrent pas d'associations cultuelles et s'opposèrent aux inventaires. Faute d'associations cultuelles, les biens de l'Eglise furent confisqués en 1907.

La loi de séparation des Eglises et de l'Etat était une affirmation de la laïcité de la République et de ses institutions. Ce terme de laïcité n'est pas cité dans le texte de loi mais son esprit y est.

La Première Guerre Mondiale mit un terme à l'opposition entre l'Eglise catholique et l'Etat républicain car il était nécessaire de trouver une "Union sacrée" de tous les Français face aux ennemis extérieurs. En 1921, les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la France furent rétablies. Depuis, les relations entre l'Eglise et l'Etat se sont normalisées, mais ne nous y trompons pas, le combat antireligieux n'est pas terminé.

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