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Les régences en France

Il peut arriver qu'un roi ne puisse exercer ses fonctions pour diverses raisons (trop jeune, incapacité plus ou moins temporaire, absence du territoire,...). Dans ce cas, l'autorité royale est exercée par un ou plusieurs régents ou régentes.

Le régent, la régente

Ce terme vient du verbe latin regere qui signifie diriger, dont le participe présent regens a donné le mot régent. Il semble que le premier à avoir porté officiellement le titre de régent en France a été le comte de Poitiers, Philippe de France (futur roi de France Philippe V le Long), après la mort de son frère Louis X, en 1316. Philippe de Poitiers s'intitulait "regens regna Francie et Navarre" (régent des royaumes de France et de Navarre). Mais d'autres ont exercé la régence avant lui, sans porter le titre de régent ou de régente.

En France, si les femmes ne peuvent régner, elles peuvent néanmoins être régentes, généralement pour leur fils. Les régents sont généralement des parents du roi, mais ce n'est pas une obligation. D'ailleurs, l'attribution de la régence n'est pas codifiée : si la loi de succession au trône s'est précisée au fil des siècles, en revanche, la régence ne fait l'objet de règles particulière. Même dans la Charte de 1814, le cas de régence n'est pas abordé.

Cette absence de disposition quant à la régence peut conduire à des luttes pour le pouvoir. Dans le meilleur des cas, le roi défunt ou absent a donné des consignes pour l'exercice de la régence.

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Sacre de Philippe V le Long

Avant d'être roi, Philippe V le Long a été régent.

Les différents cas de régence

Le royaume de France a connu quatre cas de régence :

Régence en cas de minorité du roi

Le cas où le roi est trop jeune pour pouvoir exercer le pouvoir est un cas de régence qui s'est présenté à maintes reprises, surtout quand la succession à la couronne était devenue héréditaire. Cette notion de "roi trop jeune" était cependant floue. Il fallut attendre l'ordonnance du roi Charles V, enregistrée par le parlement de Paris le 21 mai 1375, pour préciser l'âge auquel le roi devient majeur : le roi est majeur à partir de sa quatorzième année, donc après son treizième anniversaire.

885-888 • "Régence" de Charles le Gros

Après la mort de Carloman II (6 décembre 884), son frère Charles III le Simple est trop jeune (5 ans) et les grands du royaume choisissent Charles le Gros, empereur d'Occident, pour régner sur la Francie occidentale (France). Celui-ci n'avait pas le titre de régent mais celui de roi. L'Histoire, cependant, ne le reconnaît pas vraiement comme roi (il n'est pas numéroté en France) mais plutôt comme une sorte de régent en attendant la majorité de Charles III (qui n'était pas, en son temps, reconnu roi à cette époque). D'ailleurs, à la mort de Charles le Gros (888), les grands élisent comme roi Eudes, que l'Histoire a bien reconnu comme roi de France, contrairement à Charles le Gros, et le jeune Charles III dut encore patienter avant de devenir roi.

954-956 • Régence de Brunon de Cologne

A la mort du roi Louis IV, son fils Lothaire devient roi mais n'est qu'un jeune adolescent. La régence n'est pas exercée par sa veuve, la reine Gerberge, mais par le frère de celle-ci, Brunon, archevêque de Cologne, partageant le pouvoir avec Hugues le Grand, duc des Francs.

1060-1066 • Régence de Baudouin V de Flandre

A la mort du roi Henri Ier, son fils Philippe Ier, qui avait été associé au trône et sacré en 1059, devient roi mais n'a que 7 ou 8 ans. Le comte Baudouin V de Flandre, son oncle (il avait épousé Adèle, sœur de Henri Ier), assure la régence (le roi Henri, avant de mourir, lui avait confié la tutelle de son fils et le gouvernement du royaume), peut-être avec Anne de Kiev, mère du roi.

1226-1234 • Première régence de Blanche de Castille

Avant son décès, Louis VIII avait chargé son épouse, Blanche de Castille, d'assurer la tutelle de leur fils Louis IX et le gouvernement du royaume.

1316 • Régence de Philippe de Poitiers

Le prince Philippe, comte de Poitiers, déjà régent depuis la mort de son frère Louis X, poursuit ses fonctions pendant la courte vie du petit roi Jean Ier, fils posthume du défunt roi. A la mort de son neveu, âgé de cinq jours, le comte de Poitiers devint le roi Philippe V.

1380-1388 • Régence des oncles de Charles VI

Charles VI a succédé à son père Charles V à l'âge de onze ans. Le défunt roi avait désigné son frère Louis, duc d'Anjou, pour assurer la régence. Mais le duc d'Anjou dut finalement partager le pouvoir, au sein d'un conseil de régence, avec ses frères Jean, duc de Berry et Philippe II, duc de Bourgogne, ainsi qu'avec Louis II, duc de Bourbon, oncle maternel de Charles VI.

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Anne de France, dite "Anne de Beaujeu" (1461†1522)

1483-1491 • "Régence" d'Anne de Beaujeu

Quand Louis XI meurt le 30 août 1483, son fils Charles VIII, qui est né le 30 juin 1470, a treize ans. Il est donc majeur. Néanmoins, Louis XI avait demandé, dans son testament, que sa fille Anne assurât le gouvernement du royaume et la tutelle de son petit-frère Charles. Mariée à Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, Anne (plus connue sous le nom d'Anne de Beaujeu) dirigea le royaume avec son mari, sans porter le titre de régente mais en exerçant les mêmes fonctions. A partir de 1488, Charles VIII gouverne réellement mais sa sœur reste influente jusqu'au mariage du roi avec la jeune Anne de Bretagne (1491).

Pierre II de Bourbon, sire de Beaujeu puis duc de Bourbon (1438†1503)

1560-1563 • Deuxième régence de Catherine de Médicis

Catherine de Médicis a été une première fois régente en 1552 pendant l'absence de son mari le roi Henri II. A la mort du roi en 1559, son fils aîné devient le roi François II. Il est majeur (quinze ans) et règne donc sans régence. Mais quand il meurt à son tour prématurément (5 décembre 1560), il laisse le trône à son frère Charles IX, qui n'a que dix ans. La reine-mère, Catherine de Médicis, devient alors régente, jusqu'aux treize ans du roi (1563).

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Marie de Médicis (1575†1642)

1610-1614 • Régence de Marie de Médicis

Après l'assassinat du roi Henri IV (14 mai 1610), sa veuve, Marie de Médicis, devient régente pour leur fils Louis XIII qui n'a que huit ans. La régence cesse officiellement en 1614, quand le roi atteint des treize ans.

1643-1651 • Régence d'Anne d'Autriche

Louis XIII meurt le 14 mai 1643, laissant comme successeur son fils qui n'a même pas cinq ans. La reine, Anne d'Autriche, exerce alors la régence pour son fils Louis XIV, jusqu'à ce que celui-ci soit majeur (1651).

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Anne d'Autriche (1601†1666)

1715-1723 • Régence de Philippe d'Orléans

Troisième roi de la Maison de Bourbon, Louis XIV meurt, comme son père Louis XIII et son grand-père Henri IV, alors que le dauphin est mineur. Mais, à la différence de ses prédécesseurs, il s'éteint après un très long règne (le plus long dans l'histoire de France, et même de l'Europe). Il a vu mourir successivement trois dauphins : son fils Louis (14 avril 1711), son petit-fils Louis (18 février 1712) et son arrière-petit-fils Louis (8 mars 1712). Au décès du roi, c'est son autre arrière-petit-fils, quatrième dauphin du règne, qui devient le roi Louis XV.  Il n'a que cinq ans. Le plus proche parent du jeune roi est son oncle Philippe, mais celui-ci règne en Espagne (le roi Philippe V). Par testament, Louis XIV a désigné son fils naturel légitimé le Duc du Maine (né de sa relation avec Madame de Montespan) pour assumer la fonction de régent, tandis qu'il nommait son neveu Philippe, duc d'Orléans, à la fonction honorifique de président du conseil de régence. Mais ce dernier, après la mort du roi, se met d'accord avec le parlement de Paris pour casser le testament de Louis XIV. C'est ainsi que Philippe d'Orléans devient régent à la place du Duc du Maine. La régence prend officiellement fin le 16 février 1723, mais le duc d'Orléans conserve le pouvoir de fait jusqu'à sa mort le 2 décembre 1723.

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Le Régent Philippe d'Orléans et le jeune roi Louis XV

Régence en attente de la naissance d'un éventuel roi

Depuis le début de la dynastie capétienne, le roi avait toujours eu un fils pour lui succéder. Mais, au XIVème siècle, trois rois sont morts sans fils (Louis X, Philippe V et Charles IV), mais les veuves de deux d'entre eux étaient enceintes. Il fallut donc attendre que ces reines accouchassent : en cas de naissance d'un garçon, celui-ci aurait été automatiquement roi (ce qui n'arriva que dans l'un des deux cas).

1316 • Régence de Philippe de Poitiers

A la mort de Louis X, le 5 juin 1316, son épouse la reine Clémence de Hongrie était enceinte. Comme le défunt roi n'avait pas de fils, il fut décidé d'attendre la naissance de l'enfant royal. Pour la première fois depuis l'hérédité de la couronne (1223), un interrègne s'ouvrait. Le frère du roi Louis X, Philippe, comte de Poitiers devint régent du royaume. La reine donna naissance à un fils, le roi Jean Ier. Philippe continua à exercer la régence.

1328 • Régence de Philippe de Valois

Le même cas se produisit lorsque Charles IV décéda le 1er février 1328 : le roi n'avait pas de fils et son épouse la reine Jeanne d'Evreux était enceinte. En attendant l'accouchement de la reine, le cousin du roi, Philippe, comte de Valois, assura la régence du royaume pendant ce deuxième interrègne capétien. Cette fois, la reine donna naissance (1er avril 1328) à une fille et le comte de Valois cessa d'être régent pour devenir le roi Philippe VI.

Régence en cas d'absence du roi sur le sol français

Il est arrivé plusieurs fois dans notre histoire que le royaume n'ait plus de roi parce que celui-ci était parti en guerre à l'extérieur de nos frontières. Ces périodes ont donc nécessité des régences. Trouver qui devait assurer la régence ne posait pas de problème : c'est le roi lui-même qui désignait la personne qui tiendrait les rênes du royaume.

1147-1149 • Régence de Suger

Quand Louis VII décida de partir en Terre Sainte pour la deuxième croisade, il désigna l'abbé de Saint-Denis, Suger, pour assurer le gouvernement du royaume. Suger était le principal conseiller du roi, et il l'avait été aussi sous le règne de son père, Louis VI. Rigoureux administrateur de l'abbaye de Saint-Denis, il fut aussi un très bon administrateur du royaume en l'absence du roi.

Suger, Abbé de Saint-Denis (1080/81†1151)

1190-1191 • Régence d'Adèle de Champagne

C'est encore une croisade qui va entraîner le départ du roi en 1190 : Philippe II Auguste s'embarqua pour la troisième croisade, laissant le royaume à sa mère, Adèle de Champagne, et à son oncle maternel, Guillaume aux Blanches Mains, archevêque de Reims.

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1248-1252 • Seconde régence de Blanche de Castille

Blanche de Castille, qui a déjà assuré le gouvernement du royaume pendant la minorité de son fils Louis IX, est de nouveau sollicitée lorsque celui-ci décide de partir pour la septième croisade (1248). La reine-mère meurt le 26 novembre 1252, avant le retour de son fils, laissant le gouvernement à deux de ses fils qui n'étaient pas en croisade.

Blanche de Castille (1188†1252)

1252-1254 • Régence des comtes de Poitiers et d'Anjou

La mort de Blanche de Castille, le roi étant absent, contraint les frères de Louis IX, Alphonse, comte de Poitiers, et Charles, comte d'Anjou, à prendre le contrôle du royaume, jusqu'au retour de leur frère (1254).

1270 • Première régence (ou lieutenance) de Mathieu de Vendôme et Simon II de Clermont-Nesle

Quand Louis IX repart pour la huitième croisade, il laisse la lieutenance (régence) du royaume à ses conseillers, Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, et Simon II de Clermont-Nesle. Louis IX meurt à Tunis, lors de cette croisade. Son fils Philippe III, qui l'accompagnait, repart pour la France fin 1270.

1285 • Seconde régence de Mathieu de Vendôme et Simon II de Clermont-Nesle

En 1284, Philippe III part en "croisade" contre le roi Pierre III d'Aragon. Celui-ci a été démis de son titre royal par le pape, lequel a donné la couronne d'Aragon à Charles de Valois, deuxième fils du roi de France. Mathieu de Vendôme et Simon de Clermont-Nesle, conseillers de Philippe III comme ils l'étaient de son père Louis IX, sont sollicités à nouveau pour assurer la continuité du gouvernement du royaume en l'absence du roi. Celui-ci meurt de maladie à Perpignan alors qu'il rentre après l'échec de cette campagne militaire.

1356-1360 • Première régence du Dauphin Charles

Lors de la Guerre de Cent Ans, le roi Jean II est fait prisonnier (avec cinq princes du sang) par les Anglais lors de la bataille de Poitiers (1356). Il sera libéré après le traité de Brétigny (1360). Lors de sa captivité (à Bordeaux, puis en Angleterre), c'est son fils le dauphin de Viennois, Charles (futur Charles V), qui assure la régence du royaume.

1364 • Seconde régence du Dauphin Charles

En 1364, le dauphin Charles est de nouveau régent quand son père le roi Jean II retourne en Angleterre afin de renégocier le traité de Brétigny et obtenir la libération des princes du sang toujours otages. Le roi ne rentrera pas en France : il meurt à Londres le 8 avril 1364. Le dauphin-régent devient le roi Charles V.

Louise de Savoie (1476†1531)

1515-1516 • Première régence de Louise de Savoie

Lorsque François Ier part en Italie pour tenter de s'emparer du Milanais, il confie à sa mère Louise de Savoie le soin de gouverner le royaume.

1524-1526 • Seconde régence de Louise de Savoie

La guerre en Italie contraint une nouvelle fois François Ier à quitter le royaume qu'il confie de nouveau à sa mère Louise de Savoie. Le roi sera fait prisonnier par Charles Quint après la bataille de Pavie (1525) et emmené en Espagne. Il rentre en France après sa libération (1526).

1552 • Première régence de Catherine de Médicis

Quand le roi Henri II part en expédition en Lorraine en 1552, il confie la régence du royaume à son épouse la reine Catherine de Médicis. La reine montre pour la première fois ses talents politiques.

1574 • Troisième régence de Catherine de Médicis

Charles IX, mourant, confie la régence à sa mère (qui l'a déjà exercée pendant la minorité du roi). En effet, l'héritier du trône est le frère du roi, Henri, qui règne sur le royaume de Pologne. Le roi Charles IX meurt le 30 mai 1574 et le nouveau roi, Henri III, depuis Cracovie, confirme la régence de sa mère en juin. Cette régence prend fin quand le roi rentre en France, en septembre 1574.

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Catherine de Médicis (1519†1589)

1672 • Régence de Marie-Thérèse d'Autriche

Louis XIV, parti à la guerre en 1672 (Guerre de Hollande), confia la régence à son épouse Marie-Thérèse d'Autriche. D'après Bossuet : "Cette régence dura peu mais servit à prouver la capacité de la reine dans les affaires, et toute la confiance que le Roi avait en elle ".

Régence en cas d'incapacité du Roi à régner

Si le roi est majeur, présent dans le royaume, mais qu'il n'est pas en capacité de régner (maladie grave, démence, ...), une régence est mise en place. Le cas ne s'est présenté qu'une fois en France.

1392-1422 • Régence pendant la démence de Charles VI

A partir de 1392 et jusqu'à sa mort (1422), le roi Charles VI eut de nombreuses crises de démence. Durant ces crise (de plus en plus longues), la régence est assurée par la famille du roi. Charles VI a d'abord désigné son frère Louis, duc d'Orléans, pour assurer la régence. L'épouse du roi, Isabeau de Bavière assurait la tutelle des dauphins Louis (décédé en 1415) puis Jean (décédé en 1417). La jeunesse du duc d'Orléans faisait que les hommes forts de la régence étaient ses oncles Jean, duc de Berry (décédé en 1416), Louis, duc de Bourbon (décédé en 1410), et surtout Philippe le Hardi, duc de Bourgogne (décédé en 1404). Puis Louis d'Orléans devint le plus influent auprès de la reine. Le duc de Bourgogne, Jean Sans Peur, qui a succédé à son père Philippe le Hardi, fit assassiner le duc d'Orléans en 1407, déclenchant la guerre des Armagnacs et des Bourguignons. Jean Sans Peur est lui-même assassiné en 1419. En 1418, le nouveau dauphin Charles (futur Charles VII), qui a fui Paris et s'est réfugié à Bourges, se proclame régent.

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